Le groupe bordelais Madeo, spécialisé
dans les résidences para-hôtelières financées par des dispositifs de
défiscalisation, sera bientôt fixé. En difficulté depuis 2006, et en
redressement judiciaire depuis un an, Madeo a obtenu du tribunal de
commerce un sursis de deux mois pour présenter un plan de
continuation qui puisse lui éviter une liquidation. Mais une bonne
partie des créanciers de l'entreprise, qui emploie quelque 75
salariés, n'est pas décidée à lui faire des cadeaux.
Madeo a été fondée au début des années
1990 par Jérôme Ormières, spécialiste du financement immobilier.
Comme d'autres, l'entreprise s'est lancée dans la martingale un
temps gagnante du para-hôtelier défiscalisé. La recette consistait à
faire financer la construction des résidences hôtelières par des
particuliers désireux de diminuer leur ardoise fiscale via le
dispositif LMP (Loueurs en meublé professionnel) ou parfois par des
formules plus classiques (Périssol, etc.). Une société
d'exploitation - Madeo en l'occurrence - gérait ces hébergements au
tarif attractif, et reversait au copropriétaire les loyers
contractuellement fixés.
Projet avorté à
Floirac
Apparemment, pendant plus de dix ans,
l'affaire a bien tourné pour Madeo, qui, sous l'enseigne Victoria
Garden, exploitait une petite dizaine d'établissements à Bordeaux,
Pau, Mulhouse, La Ciotat, Clapiers (Hérault), et Strasbourg. Fort de
cette prospérité, le groupe avait même mené une diversification
éphémère dans l'enseignement touristique, tout en lançant sans
succès l'ambitieux projet immobilier Bel Sito sur les hauteurs de
Floirac.
Mais, au fil des années, le vent a
tourné. À partir de la fin 2006, Madeo a commencé à éprouver des
difficultés à payer les loyers. D'où, dans un premier temps, des
procédures secrètes devant le tribunal de commerce (conciliations,
mandats ad hoc,) qui n'ont pas permis de déboucher sur une solution
pérenne. Le chemin de croix du groupe et de ses créanciers s'est
poursuivi par une mise en sauvegarde infructueuse, débouchant l'an
dernier sur un dépôt de bilan.
Entre-temps, l'exploitation de trois
résidences (Bordeaux, Pau, Lourdes), avait été cédée à la société
SIHI, créée en 2006, dont la gérante est l'épouse de Jérôme
Ormières, dont le siège social se trouve dans le même pâté de maison
que Madeo, et dont les comptes 2009 - les derniers publiés -,
faisaient apparaître un endettement financier proche de 2,8
millions. Mais à l'inverse de Madeo, SIHI n'est pas en dépôt de
bilan
Un très lourd passif
Du côté de Madeo, la situation est
franchement difficile. À fin 2010 - dernier bilan connu-, les
capitaux propres avaient été largement dévorés par les pertes
successives. L'endettement total dépassait les 8 millions, non sans
s'être alourdi de quelques centaines de milliers d'euros pendant la
sauvegarde.
Y-a-t-il encore un moyen d'éviter le
pire ? Le bâtonnier Bernard Quesnel, avocat de l'entreprise, affirme
en être persuadé. Il a pour objectif de présenter d'ici juillet un
plan de continuation dans lequel Madeo s'engagerait à régler ses
créanciers sur dix ans.
Mais il faudrait, pour ce faire, que
les copropriétaires des résidences encore exploitées aujourd'hui par
le groupe (trois à Strasbourg et un à Mulhouse) acceptent une baisse
de 40 % de leurs loyers contractuels. Une solution à l'appui de
laquelle Bernard Quesnel invoque l'expertise rendue par un
spécialiste national de ces dossiers.
Une opposition
farouche
Accepté par les représentants de
certains copropriétaires, ce schéma se heurte à l'opposition
farouche de quelque 150 contractants de deux résidences
strasbourgeoises, dont l'ardoise avoisine 800 000 euros. Aux yeux de
leur conseil parisien Carlo-Alberto Brusa, il n'y a plus aucune
raison de faire confiance à Madeo, qui ne cherche selon lui qu'à
gagner du temps depuis des années. Il fait valoir qu'un groupe
concurrent, Zenitude, a proposé de reprendre l'exploitation de deux
établissements de Strasbourg avec une baisse de loyers bien moindre.
Quoi qu'il en soit, les copropriétaires
- dont certains sont fortunés et d'autres moins - laisseront des
plumes dans ce qui avait pu paraître au départ un placement gagnant
sur tous les tableaux.